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Un bedeau bien nommé l'Angélus,
une anecdote croustillante
qui nous vient du Moyen-Âge
et le tout dans un tableau de Millet.

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Angélus

Martin est bedeau à la paroisse de Chantemerle.
Dans la Drôme caillouteuse aux galets émoussés,
entre celle des collines et celle de l'Isère,
Martin surnommé l'Angélus habite en centre bourg.
Ses journées sont bercées par l'écho de la cloche
qu'il malmène et fait carillonner tout en haut du clocher.
Tonsure de moine, barbe filoche et robe de bure,
il va toujours du jardin médiéval au petit prieuré
en passant à l'heure par la chapelle Notre-Dame.
C'est là qu'il vient sonner mâtines et vêpres
pour égrainer le jour et ce jusqu'à minuit.
Martin est un invisible, il vit comme un fantôme
et son ombre à peine translucide glisse
le long des abat-sons les nuits de pleine lune.
Ne pratiquant ni culte ni dévotion ni aucune messe
il restera un païen au regard du clergé :
sonneur de cloches et planteur de citrouilles.
Moniales et prêtres ne le croisent guère.
Souvent en retard, rarement en avance,
c'est ainsi la farandole des heures aléatoires.
Personne ne lui en tient grief :
qui voudrait ne dormir que le quart d'une nuit ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Mais dans cette solitude silencieuse
Martin voit quelques fois Hildegarde l'enlumineuse
penchée sur son lutrin au fond de la bibliothèque.
Hildegarde n'est pas dévote, loin de là
et Martin l'intrigue quant à ses curieuses manières.
L'histoire comme ici, un vingt-quatre décembre.
Ce soir, à la lumière incertaine des cierges et chandelles,
sous les hautes charpentes qui grincent et qui craquent
le vent s'engouffre, souffle et siffle sous les voussures.
La pluie gifle les gargouilles, le froid est polaire.
L'heure se fait pressante et Martin doit se faire violence
pour sortir affronter le blizzard et sonner la grand cloche.
Autant dire qu'il ne fait pas bon s'aventurer dehors
même encapuchonné des chausses jusqu'au nez !
" Encore douze coups et rentrons nous coucher ! "
se dit-il en lui-même comme par habitude.
Mais cette nuit ne sera pas comme avant ...
Arrivé sous le porche Martin agrippe la corde
qu'il tire fortement vers le bas et la laisse remonter,
puis tire à nouveau jusqu'au premier "dong".
Pris dans sa fièvre et tirant de plus belle
il s'envole à trois mètres au dessus du palier
comme aspiré au ciel puis projeté au sol
tel un fétu de paille.
On ne sait si c'est la force du vent ou la ferveur de Martin
à tirer de la sorte, mais la cloche, toute de cuivre ouvragée
fait trois tours sur elle-même et enfin se décroche !
Traversant planchers et plafonds dans un grand fracas
elle finit sa chute au pied de Martin qui chancelle d'effroi.
La nouvelle fit sensation dans tout le village
et Martin devint alors le bedeau malchanceux;
ce qui n'arrangea pas son aloi avec le chanoine.
La cloche restaurée, les réparations faites
elle reprendra sa place dans son perchoir
et Martin son invariable labeur de sonneur de cloches.
Là où l'histoire prend une tournure insolite
c'est quand Hildegarde, son amie peintre aux grimoires
lui fit présent de cette étrange baguette de bois.
Elle lui dit être magique si tant est qu'il en use ...
Façonnée de ses doigts, elle y grava "Angélus"
et initia Martin aux charmes et sortilèges.
Depuis lors, Martin ne tire plus sur la corde :
sur son ordre la cloche sonne toute seule !
Les bones âmes sont ravies et personne n'en dira rien.
Leur secret restera à jamais entre eux
car en ce Moyen-Âge obscur et inquisiteur
il ne fait pas bon être sorcière, ni sorcier ...
Mais revenons à Chantemerle.
Nous sommes en été, le mauvais hiver est oublié.
Aujourd'hui, ce sont moissons et vendanges.
Paysannes et paysans font pauses ou bien prières
et c'est Martin qui sonne l'Angélus à bonne heure.
Enfin presque ...

 

Âme : éclat de cuivre de la dite cloche
Formule secrète
Fer magnétique

 

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