La bonne chance

Depuis quatre ans, je sculpte des branches mortes.
Vous devez sans doute le savoir, amis et virtuels.
Une idée qui m'est venue il y a fort longtemps.
Je devais avoir douze ou treize ans, peut-être plus,
sur les bancs d'une école aujourd'hui désuète
où je sculptais mes crayons et porte-plumes.
Mais l'idée des baguettes magiques m'est venue
plus tard, il y a maintenant quatre ou cinq ans.
Le déclencheur fut la lecture d'un paragraphe
dans un traité de vulgarisation sur la magie
écrit par le Docteur Encausse, dit Papus.
Il y est écrit :
" instrument formé de bois et de fer magnétique
qu’on appelle le bâton ou baguette magique " .
Il ne m'en fallait pas plus pour voir ici
une tradition ancestrale, une sorte de caution.
De plus, les âmes que j'y insère révèlent
et relèvent l'aspect magique de l'instrument.
Ces âmes enchâssées sont de nature
très différentes. Tout est envisageable.
Pierre précieuse, aile de sauterelle
sable, cheveux, plume, que sais-je.
J'ai toujours rêvé d'un trèfle à quatre feuilles.
J'en ai cherché, jamais je n'en ai trouvé.
Des trois feuilles à foison mais aucun à quatre.
L'été dernier, le nez dans des pâquerettes,
dans le jardin d'Anne, je rencontre Arya,
fillette de sept ans, fille de l'ami Victor
dont je vous ai parlé il y a quelques temps.
Il est gemmologue et me rapporte parfois
des échantillons de pierres précieuses.
Saphirs, rubis, émeraudes, grenats, etc...
Nous parlons souvent de baguettes magiques,
il connaît bien mon atelier et Arya y est venue.
Au fil de la discussion, on en vient à parler
des âmes et je dis que j'aimerai par dessus tout
trouver un trèfle à quatre feuilles.
Ma grand-mère Huguette avait ce don.
Elle revenait tantôt de promenade
avec la précieuse herbette, fière et ravie.
Puis le temps passe et une semaine après,
Arya m'apprend qu'elle en a trouvé un
et qu'elle va me le donner ! Je suis aux anges !
À l'atelier, elle me le confie et je le glisse
aussitôt entre les pages d'un livre
que je dépose au coin de l'établi.
Je commence alors à sculpter la branche
qui sera porteuse du trèfle légendaire.
Lorsque j'ai fini l'instrument,
j'ouvre le livre, feuillette les pages
et m'aperçois, avec stupeur, qu'il a disparu.
J'ai beau chercher sous la table
et partout là où il aurait pu glisser.
Je ne trouve rien.
Quelques temps après, j'en parle
à Arya qui est autant désolée que moi.
Un hiver passe, retour en août cette année.
Victor, en vacances m'apprend qu'Arya
a trouvé quelque chose pour moi.
Je me doute évidemment de quoi il s'agit.
Passe une semaine avant de se retrouver
ensemble autour d'un dîner sous les étoiles.
J'en profite alors pour enquêter auprès d'Arya
mais elle aussi, a perdu le fameux trèfle !
Retour à la case départ !
Et c'est là que quelque chose s'est passé,
inattendu, surréaliste, magique.
Peu de temps après, assis sur le banc
devant la maison, sous un soleil estival,
je réfléchissais à cette histoire.
Une triste fable un peu embarrassante.
Puis je pensais à la nature, à la planète terre,
à la magnificence de la création et,
me sentant partie intrinsèque de l'univers,
consciemment, en moi-même,
je demandais à l'esprit, quelque soit son nom,
de trouver un jour un trèfle à quatre feuilles.
À peine je me retourne, que ce n'est pas un,
mais cinq trèfles qui me sautent au yeux !
Chance, hasard ou coïncidence ?
Ils iront dans les pages de La fontaine,
sur l'étagère parmi les contes et fables.
Avant qu'Arya ne reparte à Strasbourg
je le lui ai dit et promis qu'à son retour
je lui présenterai la baguette magique.

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Âme : Trèfle à quatre feuilles.