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Une route de montagne en roulotte à cheval,
un souterrain qui date des croisades
et un météore qui tombe pas loin...

L'ÉCU DE SALOMON

La nuit tombe, la cime des arbres indique le chemin,
c'est l'heure des chats gris et des aboiements lointains.
L'auberge est encore loin et la fraîcheur descend.
Passé Sagnebourgne, lieu-dit d'une seule maison,
Astrid, rêveuse, regarde les étoiles se lever.
Plutôt frêle et gracile, le chignon toujours décoiffé,
ses yeux en amande lui prêtent un air elfique.
Herboriste, camelote et guérisseuse ambulante,
elle va de bourgs en villages, de cols en vallées
prodiguer des soins et vendre ses bonnes tisanes.
Avec son percheron et sa roulotte bariolée,
elle sait que sa visite sera toujours bienvenue.
Ce sont les éclopés, bossus et fiévreux de tous âges
qui frappent à la porte de sa petite officine.
Avant d'arriver à Gothar par le creux des ravines,
Astrid, en proie aux questions existentielles
se demande où s'arrête l'infini, vaste sujet...
Elle imagine le firmament comme un ballon creux,
une baudruche en velours percée de mille trous
au travers desquels on voit de la lumière.
Et quelqu'un qui regarde derrière le rideau noir.
Bercée par le clapot des sabots, les yeux au ciel,
Astrid pense qu'elle arrivera à la nuit tombée
et que la lune montante lui sera opportune.
Elle laisse alors aller les rênes, et Balthazar,
le cheval qui connaît bien le bord des routes
la conduira jusqu'à la prochaine fourche
quand soudain, une forte lumière traverse le ciel
illuminant les nuages, crépitant d'étincelles,
et disparaît aussitôt par delà les sapins !
S'ensuit un choc terrible. La terre tremble,
un grand fracas se fait entendre
et le silence retombe lentement, à peine troublé
par le hululement d'un curieux voisin, le hibou.
Astrid pense aussitôt à une météorite
qui serait tombée juste derrière la colline.
Tandis que la nuit s'installe gentiment 
et que l'heure avance, elle décide le bivouac
et attendra le jour pour aller voir de plus près.
L'atmosphère sera lourde et le sommeil pointillé.
Au matin, en arrivant sur place, à la lisière du bois,
apparaît dans la lumière pâle de l'aube
un cratère profond d'un bon mètre et large de trois.
C'est un trou béant, informe, encore fumant
au bord duquel apparaît la partie éboulée d'une cave 
que le projectile intersidéral a mis à jour.
Il flotte une odeur de fer et de terre brûlée.
Astrid, curieuse et décidée avant tout,
s'aventure dans le fond du cratère.
Un peu partout, il y a des éclats de météore
semblables à des scories de lave ou de fonte.
Mais Astrid, attirée du côté de l'éboulis,
se glisse dans l'échancrure des pierres
et atterrit à la croisée de quatre souterrains.
Là, elle découvre, alignés le long des murs
une enfilade de buffets, de consoles et de coffres.
Cette singulière cave l'intrigue au plus haut point.
Quand elle ouvre sèchement le plus proche tiroir,
une ribambelle de ciboires, coupes et calices
viennent s'entrechoquer contre le bois.
Dans le meuble suivant, ce sont des étoffes,
soies et satins fanés par des siècles de nuit.
Dans un autre tiroir, des baguettes magiques,
certainement saisies pendant l'inquisition,
s'empilent tête-bêche, nouées par des lacets.
Puis les épées, les coffrets de pièces d'or,
les vases et autres armures disloquées
se noient dans l'obscurité du couloir.
Dans un silence de catacombe,
Astrid, stoïque, se risque un peu plus loin
mais, n'y voyant goutte, décide de revenir
plus tard, au jour et équipée d'une lanterne.
Au passage, Astrid ne manquera pas
de prendre avec elle une des baguettes
ainsi que quelques morceaux de météorite.
De retour à la carriole garée au bout du pré,
excitée à l'idée d'avoir découvert par hasard
un antique trésor d'une valeur inestimable,
elle attrape la lampe à huile, la remplit,
récupère les bougies, même les entamées,
et rassemble pochons et paniers pour le retour.
Tout en observant l'instrument en détail,
elle remarque la croix et le blason sculptés
qui affichent fièrement leur armoirie cathare.
Il est midi, Astrid chausse ses croquenots
et, corbeille sous le coude, lampe à la main,
le cœur léger, retourne aux décombres.
Mais en arrivant, elle découvre avec effroi
un tunnel vide, il n'y a plus rien dedans !
Il ne reste qu'un carnet manuscrit laissé là,
au milieu des débris de planches.
À la lumière de la lampe, Astrid, interloquée
constate de visu que le cahier explique tout.
En première page, dans un cadre, à la marge
il est écrit : " thesaurus ordinis templi ", 
ce qui veut dire : " trésor de l'ordre du temple "
suivi d'une liste d'objets avec leurs provenances.
Illustrés de fines gravures, Astrid en repère une
qui représente exactement la baguette
qu'elle avait ramenée chez elle avec pour légende :
" Écu de Salomon, instrument d'enchantement,
Crypte de la cathédrale de Tarbes ".
Voilà donc la raison d'un tel déménagement.
Et Astrid errera sans but,
dans un couloir sans fin,
à la recherche du trésor des templiers...

Âme : éclats de météorite

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