Elfie

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L'elfe de Marchaud, dans le haut Livradois,
occupe une grotte taillée dans le granite blanc.
Elle vit ici, dans une vaste caverne sculptée
qu'elle partage de bon gré avec sa famille.
Des voûtes gothiques en dentelle de marbre
aux cossus salons carrelés d'albâtre,
tout y est blanc, crayeux, presque luminescent.
Les meubles tissés de branches entrelacées,
les vasques débordant de lierres et fougères
et les tableaux de maîtres dorés à la feuille
colorent la scène d'une aura surnaturelle.
Elfie, fille d'Elfe, porte une longue chevelure
qui descend à mi-cuisse, lisse et châtain.
Ses yeux presque blancs, un peu en amande
et ses oreilles pointues ornées de fleurs,
illustrent bien ici le caractère singulier
de la physionomie typique du peuple elfique.
Passionnée par la beauté de la nature,
elle sait reconnaître l'arbre bienveillant
qui ploie ses branches et déporte son ombre
pour ainsi rafraîchir le marcheur en nage.
Souvent elle redresse la jonquille aplatie
sous le croquenot d'un passant inattentif.
Elle parle le langage du hibou et du serin,
elle fend la hache du mauvais bûcheron
et fredonne en forêt le chant des chimères.
Un sentier dérobé, connu d'elle seule,
longé de groseillers aux grappes acides 
mène au seuil d'une falaise abrupte.
L'entrée de la grotte n'est visible que
pour les Elfes et les gens du petit peuple.
Seuls les gnômes, lutins, fées et druides
possèdent la clef de la porte cochère.
Ils y viennent aux fêtes de printemps,
pour les noces elfiques et, une fois l'an,
les esprits de la nature y tiennent séance.
Nous sommes ce jour là, la lumière filtre
par les ajours et les failles dans la roche.
Elfie sait que dans une heure la porte
grincera plusieurs fois.
Assise sur un banc tressé de bambous
elle attend ce moment magique
où les esprits entreront dans l'édifice.
Le premier à venir est l'esprit de l'eau,
tel une bruine portée par un courant d'air.
Ensuite, comme un voile de soie déchiré,
flottant à mi-hauteur, l'esprit du temps,
du temps qui passe, éternel et présent.
" L'univers n'est pas tout droit.
Il y a des parallèles qui se croisent
et qui traversent parfois notre réalité. "
Au plafond pendent de longues cordes
au bout desquelles s'accrochent
des lustres poussiéreux à pampilles
pourvus de chandelles blanches.
Elfie, toujours émerveillée de tout
ne manquerait cela pour rien au monde !
À cet instant l'esprit du feu fait irruption.
Les bougies s'allument en crépitant,
illuminant la scène d'une teinte dorée.
Se manifesteront ensuite d'autres entités :
l'esprit de l'arbre, l'esprit du vent,
celui des fleurs et de la pierre druidique.
Tous sous une forme inattendue.
Un caillou qui roule sur le dallage,
les flammes qui ondulent dans le zéphyr
et un parfum de lilas envahit l'espace.
Pour Elfie, mains jointes sur les genoux,
c'est le moment d'ouvrir sa conscience...
D'écouter le silence et de fermer les yeux.
Il lui faudra un instant de recueillement
pour enfin entendre et comprendre
ce qu'ils se disent à voix basse.
C'est le langage de la pensée intérieure
qui ne s'entend que si le cœur est pur.
Quant à l'esprit de l'arbre, le voici
dans une volée de feuilles mortes.
Prenant part à l'étrange discussion
et dans un froissement de broussaille,
il murmure à la ronde :
" Voici Elfie que nous connaissons tous.
Elle œuvre à notre salut, nous les feuillus.
Elle déboute le bourreau et sa scie à ruban,
répare nos racines et redresse nos tiges.
Permettez-moi, en ce jour anniversaire,
de lui rendre hommage au nom de tous. "
Et Elfie de pencher la tête en souriant.
Puis, la discussion aborde le problème
de l'eau du ruisseau qui a un goût amer.
Mais ceci est une autre histoire.
En partant, emporté par l'esprit du vent,
il laissera sur le coin d'un banc de paille,
une branche sculptée à l'effigie des elfes.

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Âme : papillon.

Magnétique.