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Une virée en Afrique dans les années 70.

Une comète inattendue, une étrange enveloppe

et un trou dans l'espace-temps ...

Quantum

Le long du fleuve Sénégal où maraude le crocodile

il y a Podor, un village ensablé, presque désertique.

Sur la rive d'en face c'est la Mauritanie.

Nous sommes en 1977, je suis soldat Français

appelé sous les drapeaux à Ouakam,

une ancienne base aérienne désaffectée.

C'est ma première permission, j'ai dix jours

devant moi pour découvrir le pays.

Le grand marché aux encens de Sandaga

chatouille mes narines de mille senteurs.

La mosquée de Touba vaut qu'on s'y déchausse,

ne serait-ce que pour prendre le frais.

Ce soir là et ce sera comme un bon présage,

je vois dans le ciel un météore crépitant de feu

filer à l'horizon en éclairant toute la lande.

La traversée du désert du Ferlo jusqu'à Matam

me couvre de sable rouge, je suis en nage.

À peine arrivé la douche n'est pas de refus

même si l'eau coule un peu jaunasse.

Au repas du soir ce sont tomates fraîches du jardin,

thieboudienne de thiof sans oublier le pili-pili.

Mais pour dormir il faudra tantôt choisir

entre les fourmis carnivores et les araignées ...

Au petit matin, couvert de cloques suspectes

je prends le taxi-brousse place de la poste

direction le Nord en suivant le fleuve.

Je me retrouve alors coincé au fond

d'une vieille quatre-cent-quatre break

derrière une dame en boubou jaune et noir.

Sur la banquette en face un vieux sénégalais

égraine ses prières au fil des perles de bois

et je regarde le paysage qui défile poussiéreux.

À travers la savane, bousculés par les cahots

nous faisons halte ici dans un hameau

là dans un lieu-dit de huit ou dix cases.

Quelques uns s'en vont, d'autres montent.

Puis l'asphalte succède à l'affreuse piste

apportant un net réconfort au niveau du fessier.

Nous arrivons enfin à Podor en remerciant Dieu

de ne pas avoir fini la route dans le bas-côté.

Le taxi-brousse me dépose au centre-bourg

à la tombée du jour, à l'heure du moustique.

Ne sachant où passer la nuit je demande

à un passant en vélo où l'on peut dormir.

Il n'y a pas d'hôtel ici ni chambres d'hôtes.

Il me dit d'aller voir si la mission Saint Michel

peut m'ouvrir sa porte. Parfois on y séjourne.

C'est le père Ansèlme qui m'offre l'hospitalité

un grand bonhomme en soutane grise

le visage osseux, l'œil creux et tout à fait chauve.

Il n' pas d'autre lit à me proposer qu'un matelas

à couvert sous l'auvent devant le baobab.

Les chambres et mansardes du presbytère

étant soit insalubres soit condamnées.

Dormir à la belle étoile sur une paillasse de fortune

bordée d'une moustiquaire tendue entre deux chaises

restera pour moi un souvenir grandiose !

Ni fourmi ni serpent d'aucune sorte,

mais au réveil, juste au dessus de mon nez

j'aperçois un scorpion accroché, pinces en l'air.

Instinctivement, je secoue aussitôt la moustiquaire

et l'horrible bestiole décampe vers les racines.

L'histoire commence ici ...

Au déjeuner, nous bavardons café à la main.

" Tu vas jusqu'où comme ça avec ton sac à dos ?

me demande Ansèlme sur un ton amical.

Je rentre à Dakar, je prends l'autobus tout à l'heure.

- Tu vas passer par Saint-Louis je pense. reprend-il.

- Oui j'y fais escale cette nuit, un ami m'a parlé

du cimetière des pêcheurs qui vaut le détour paraît-il.

-Tu fais bien, il est étonnant avec ses filets de pêche

déposés sur les tombes comme des linceuls.

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À ce moment, Ansèlme me tend une enveloppe.

Une lettre à poster sans doute.

- Tu la remettra à Mama Braya, une amie à moi

qui tient boutique d'étoffes, breloques et gri-gris.

Elle habite au début de la rue Dodds

côté sud de la langue de Barbarie.

Tu passes le pont Faidherbe et le deuxième pont

c'est à gauche à cent mètres à peine.

Il y a une étoile rouge peinte sur la devanture.

Tu lui passera mon bonjour ! Ajoute-t-il souriant.

- Ce sera fait Ansèlme, elle aura sa lettre ce soir,

lui dis-je confiant.

Sur quoi, je le remercie pour son accueil

et pour la moustiquaire qui me fut salutaire.

J'enfile mes espadrilles et saute dans l'autocar

l'enveloppe bien boutonnée dans ma poche.

Saint-Louis est une grande ville pleine de vie

aux rues et ruelles qui se croisent à angle droit.

L'architecture coloniale se mélange étrangement

aux maisons en briques et parpaings apparents

qui s'étendent bien au delà du centre ville.

Le soleil tape, l'air est sec, les gens se croisent

s'appellent, s'interpellent, discutent et troquent.

Les rues sont peuplées, chacun à son affaire

et les chèvres errent sur les trottoirs blancs.

Après avoir fait quelques pas dans la rue Dodds

je repère l'échoppe décrite par Ansèlme.

M'aventurant sous l'auvent, à l'ombre

je jette un coup d'œil au fond de la gargote.

Sur une longue table s'agencent par couleur

des piles de tissus et des rouleaux de velours.

Aux murs s'épinglent des tentures africaines

défraîchies par des années de poussière

et au milieu, derrière le comptoir, Mama Braya.

- Bonjour jeune homme dit-t-elle, ciseaux à la main

que me vaut l'honneur de votre visite ?

Un boubou brodé, un chapeau de brousse ?

Lance-t-elle sur un ton guilleret.

Sa voix est fluette teintée de bonne humeur.

-Voici pour vous une lettre de votre ami Ansèlme

lui dis-je en lui tendant l'enveloppe.

- Oh ! s'exclame-t-elle visiblement surprise,

et comment va mon vieil ami et maître ?

demande-t-elle en ajustant ses lunettes.

- Somme toute bien je l'ai quitté ce matin.

Lui dis-je sans savoir vraiment quoi répondre.

Plus loin dans la pénombre grandissante

se dressent telles des guerriers Peuls

trois statues en ébène de taille humaine.

Ce doit être un message important à en juger

ses yeux ronds et le silence qui s'en suit.

Puis en me regardant dans les yeux elle dit :

- J'ai ici quelque chose pour toi de la part d'Ansèlme

un souvenir plutôt original qui devrait te plaire.

Sur ce elle disparaît derrière les sculptures

et revient quelques minutes après avec un étui.

- Ceci est la relique d'un ancien roi Mandingue.

Dit-elle d'une voix embarrassée.

- Ansèlme me demande de t'en faire présent.

C'est ce que dit sa lettre, et si Ansèlme le dit ...

Sur ces mots je prend congé de Mama Braya

et ressors dans la rue en plein soleil.

Et là il se passe quelque chose d'insolite.

J'amorce un pas et me retrouve soudain

rue Dodds mais à cinquante mètres de là ...

Et je ne me souviens pas marcher jusque là ...

C'est comme si on avait coupé la scène d'un film,

coupé quelques secondes dans la trame du temps.

Sur ce interloqué, je reviens aussitôt sur mes pas

pour tenter de comprendre ...

Et là, stupeur ! plus de boutique plus de Mama Braya !

Une antique quincaillerie occupe ce numéro de rue !

Mon retour à Dakar se fera dans la perplexité

fouillant et refouillant dans ce trou de mémoire ...

Un rêve éveillé peut-être ...

Mais une adresse qui n'existe pas ...

Âme : galène

Arcane et fer magnétique.

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