Philomène
Philomène est une fée sylvestre.
Elle est de ces nobles et belles âmes
qui ne pèsent pas même un gramme
sous leur apparence ailée et lumineuse.
On la distingue cependant de la luciole
à son vol élégant et panache scintillant.
Comme toute fée, elle peut se transformer
en blanche colombe, libellule et grenouille
ou en créature humaine, homme ou femme.
Philomène vit aux frontières des mondes.
Celui que nous connaissons tous ici bas
et l'imaginaire, de l'autre côté des étoiles.
Dans les temps infinis et parallèles,
Philomène habite un nid d'hirondelle
de celles qui font le printemps, de fait
ou une masure au fin fond des bois.
Ses cheveux sont comme des fils d'ange
blancs et coiffés en longues tresses .
Ses yeux d'émeraude éclairent son visage
d'une étincelle bienveillante et sereine.
Pour rejoindre notre univers, notre planète
elle devra traverser le miroir magique.
Qu'importe le tain, le mercure et le reflet,
un éclat de verre suffit, un carreau de faïence
ou une flaque d'eau dans la boue du chemin.
Ce qui nous mène dans cette forêt moussue
aux chaudes clairières irisées de soleil.
Endormie douillettement dans un bouton d'or
Philomène, allongée sur le rond de pétales
se réveille brutalement, arrachée à son rêve.
elle voit avec stupeur bûcherons et forestiers
tronçonner à tout va, abattant à tour de bras.
De quoi la pousser dans une sainte colère !
Exaspérée, en rogne, elle s'envolera vivement
vers le torrent où elle prendra forme humaine.
La voilà bottes aux pieds, chemise à carreaux
bedon sous ses bretelles et fière moustache.
- Hola ! messieurs ! que faites vous donc ici
à couper les arbres ! lance-elle énervée.
Quel saccage, quelle désolation, quel désastre !
ajouta-t-elle dépitée d'une voix enrouée.
Pour toute réponse elle n'eut que flopée d'injures
des noms d'oiseaux jusque là inconnus à ses oreilles
mais qui relèvent du sarcasme et de la vile menace.
Voyant cela Philomène désemparée disparut.
L'abattage fila bon train si bien qu'à la nuit
la moitié de la colline était dévastée, anéantie.
À l'aube suivante, avant l'arrivée des bûcheurs
d'un joli coup de baguette magique,
elle fit repousser châtaigniers, pins et mélèzes,
effaçant du même coup leurs affreuses tranchées.
Si bien qu'à l'heure d'embaucher, scie à la main,
il ne subsista point trace de leur forfait d'hier.
Abasourdis mais têtus, ils recommencèrent
déracinant, arrachant et écorchant de plus belle.
Mais au matin, la nature restait intacte...
Et ce chaque jour.
De là naquit la légende de la forêt enchantée...
Plus tard ce bout de forêt fut abandonné, oublié de tous
sauf des rêveurs, des cueilleurs de champignons
... et de moi-même.
Aucun écho de hache n'y résonnera désormais.
Sur la garde on peut lire "VITAE", " vie " en latin.
C'est une " semeuse ", accomplie pour enchanter
la graine, la petite pousse et le nouveau surgeon.
Tant est qu'en un clin d'œil le chêne centenaire
grandit des racines jusqu'aux bourgeons.
Âme : Galène.
Fer magnétique.